vendredi 28 janvier 2011

Les errements d'un islamologue bruxellois, par Claude Demelenne

"En accusant Israël de «génocide», Yacob Mahi ouvre la voie – espérons-le, inconsciemment, mais le mal est fait – aux pire dérives antisémites. [...] Les propos équivoques de ce théologien musulman bruxellois sont le reflet d’un radicalisme soft, qui certes condamne les islamistes mais, en même temps, dresse le même constat qu’eux. A savoir que l’Occident terroriserait les musulmans et les sionistes extermineraient les Palestiniens. Constat simpliste, étranger à toute nuance. Constat erroné, bien sûr."

(A propos de Yacob Mahi: "Le site où figure cet «appel...» comporte également «l'avis de l'islam» exprimé par deux convertis choisis: Roger Garaudy, condamné en 1998 pour «provocation à la haine raciale» et «contestation de crimes contre l'humanité», et Yahia Michot, congédié de l'UCL en 1996 pour avoir fait l'apologie de l'égorgement des moines de Tibhérine en Algérie. Ce site est animé par Yacob Mahi, professeur de religion islamique et figure de proue du Collectif «Présence musulmane», de la tendance de Tariq Ramadan. Cette mouvance est si organisée et omniprésente que beaucoup de musulmans ignorent l'existence d'autres courants et savants musulmans plus éclairés, aux voix dispersées il est vrai."
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Chronique de Claude Demelenne parue dans "le plus grand (et le seul ...) journal satirique belge" Père Ubu Pan (27/01/2011)

"Yacob Mahi a voulu écrire un message de paix. Un coup dans l’eau, hélas. Il condamne les islamistes. Mais il dresse le même constat qu’eux.

Dans une carte blanche publiée par la Libre Belgique de ce 18 janvier, le théologien et islamologue bruxellois, Yacob Mahi, condamne fermement les actes terroristes d’Alexandrie, visant les Chrétiens. Cette condamnation rappelle utilement, à ceux qui en douteraient, que la barbarie islamiste fait horreur à la quasi totalité de nos concitoyens de confession musulmane. Ceux-ci n’ont pas à s’excuser des actes abominables commis par les fous d’Allah. Ils agissent prétendument au nom de tous les musulmans, alors qu’ils sont les vrais bourreaux des musulmans. «Personne ne peut se prévaloir d’une foi pour justifier la violence…», écrit Yacob Mahi. Et il précise : «…que ce soit en Egypte, en Inde, ou sous l’égide des USA, en Afghanistan, en Irak, ou encore le terrorisme sioniste israélien et son entreprise génocidaire en Palestine». La condamnation de l’islamisme guerrier, par Yacob Mahi, va donc de pair avec une banalisation de ce même terrorisme islamiste, que le théologien bruxellois, met sur le même pied que l’engagement américain en Afghanistan et en Irak, ou le comportement d’Israël dans son conflit avec les Palestiniens. L’attitude des autorités américaines et celle des autorités israéliennes sont contestables, et d’ailleurs vivement contestée, dans ces deux démocraties, par une partie de l’opinion publique. Mais l’équivalence, dressée par Yacob Mahi, entre le comportement de deux démocraties et la folie destructrice de terroristes fanatiques en dit long sur sa perte de repères.

Il y a plus grave encore. En accusant Israël de «génocide», Yacob Mahi ouvre la voie – espérons-le, inconsciemment, mais le mal est fait – aux pire dérives antisémites. Il faut craindre que des esprits faibles prennent au mot le théologien musulman : comment «résister» à des prétendus actes de «génocide»? En utilisant tous les moyens disponibles, en ce compris les attentats aveugles, puisque c’est pour  «la bonne cause», penseront ces esprits faibles. Le sens des responsabilités d’un théologien et d’un leader d’opinion – M.Mahi est un habitué des plateaux de télévision - lui impose de ne pas tenir des propos incendiaires ou provocateurs. Nous sommes, hélas, loin du compte. Après s’être présenté comme un militant de la paix et un défenseur du vivre ensemble, Yacob Mahi reverse immédiatement de l’huile sur le feu, ce qui est déplorable.

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Le théologien bruxellois en profile également pour pratiquer la désinformation, quand il écrit : «Nous ne pouvons admettre que les agissements de groupuscules radicaux laissent croire que les chrétiens sont partout persécutés en terre majoritairement musulmane». C’est malheureusement la réalité : presque partout en terre d’islam - la Jordanie est l’une des rarissimes exceptions - les chrétiens sont harcelés, humiliés, assassinés parfois, et massivement poussés à l’exil. Si le rouleau compresseur d’un certain islam intolérant ne s’arrête pas, d’ici quelques décennies, les chrétiens auront disparu d’un Orient qui fut, ne l’oublions pas, le berceau du christianisme. M.Mahi fait œuvre de propagandiste d’une cause douteuse, lorsqu’il minimise le calvaire vécu par les chrétiens en terre d’islam.
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Dans un paragraphe ambigu – à l’image de l’entièreté de sa carte blanche – Yacob Mahi semble mettre en cause la responsabilité de certaines autorités musulmanes belges, dans la propagation de ce qu’il appelle lui-même «le radicalisme musulman». Citons ses propos, assez longuement, mais le détour en vaut la peine  : «Le radicalisme musulman n’est rien d’autre que le produit du simplisme effrayant et de la frilosité discursive de certains imams qui s’érigent comme fonctionnaire de l’Absolu…anesthésiant les fidèles lors de la khotba du vendredi, par un discours de circonstance. En Belgique, ni le Conseil des Théologiens des Musulmans, ni la Ligue des Imams, ne sont aptes à contrecarrer cela, par un discours citoyen et engagé dans la promotion du vivre ensemble, puisque dépassées par les défis du temps, ces institutions sont vides de toute proximité du terrain, et quand elles se prononcent, il ne s’agit que ponctuellement de simples vœux pieux ». A le lire attentivement, Yacob Mahi, fin connaisseur du terrain bruxellois, est en train de nous dire que «certains imams», quand il s’agit de promouvoir le vivre ensemble, au mieux, effectuent le service minimum, au pire, font preuve d’un «simplisme effrayant». Un tel constat ne nous rassure guère sur la qualité démocratique des prêches du vendredi, dans certaines mosquées bruxelloises.
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Yacob Mahi en appelle, en conclusion, à «œuvrer dans la voie de la réconciliation, en vue de relever le défi de la fraternité humaine». Beau programme, que l’auteur, dont le double discours n’est pas sans rappeler celui des Frères Musulmans, s’empresse de ne pas appliquer, lorsqu’il place les sionistes israéliens au ban de l’humanité, puisqu’ils mènent une «entreprise génocidaire en Palestine». Lorsqu’on prétend donner des leçons de morale à la terre entière, il convient de sortir des clichés et de balayer devant sa propre porte. Ce que ne fait pas Yacob Mahi, également lorsqu’il assimile «l’impérialisme» (ndlr : celui d’Obama) à l’envoi d’«escadrons de la mort» en terre d’islam (ndlr : nos soldats belges en Afghanistan seraient-ils des «fascistes» ?).
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Les propos équivoques de ce théologien musulman bruxellois sont le reflet d’un radicalisme soft, qui certes condamne les islamistes mais, en même temps, dresse le même constat qu’eux. A savoir que l’Occident terroriserait les musulmans et les sionistes extermineraient les Palestiniens. Constat simpliste, étranger à toute nuance. Constat erroné, bien sûr. Un peu partout en terre d’islam, ce sont quasi exclusivement des musulmans qui tuent d’autres musulmans. Et à Gaza, le peuple palestinien souffre autant – si pas davantage – de la dictature du Hamas islamiste que du blocus israélien. Il est à souhaiter que d’autres représentants de la communauté musulmane de Belgique auront le courage de condamner sans ambigüité, à la fois le terrorisme et les discours simplistes vulgarisant la haine des «impérialistes» américains et des sionistes «génocidaires».

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