mardi 14 février 2012

Jean Ziegler, citoyen Suisse au-dessus paraît-il de tout soupçon

"En 2005, à Genève, lors du passage d’une «Caravane pour la Palestine», il ne se limita pas à entendre des griefs, comme cela aurait été le cas s’il avait accepté un entretien avec des dissidents cubains; non, il alla bien plus loin, déversant ouvertement son fiel contre Israël en déclarant, entre autres, que Gaza était un «immense camp de concentration». [...] une autre figure peu honorable viendrait plus tard tenir compagnie à Ziegler dans ce genre de propos. Il s’agit de Jean-Marie Le Pen, qui en mai 2010 qualifia Gaza, à l’instar de Jean Ziegler en 2005, de « camp de concentration à ciel ouvert »."

"Nombreuses furent en effet les occasions où le Suisse immaculé exprima une sympathie et un soutien sans bornes en faveur du guide de la «République des masses». Puis, plus tard, trop tard, quand les jeux étaient déjà faits en Libye et Kadhafi était un cadavre politique, le même Ziegler n’eut aucune gêne à déclarer que, s’il avait su, il n’aurait jamais serré la main de Kadhafi. Ziegler prétend donc qu’il ne savait pas que Kadhafi était un bourreau et un assassin… Mais où, sur quelle planète de l’aveuglement Jean Ziegler vivait-il mentalement pour ignorer une si patente réalité? N’avait-il pas appris par tous les organes de presse, et entendu dans tous les média, les liens incontestables entre l’attentat terroriste de Lockerbie, en 1989, et le régime criminel de son ami Kadhafi? Dans ses voyages à la «République des masses», ne s’était-il jamais rendu compte qu’il n’y avait qu’une seule opinion possible, celle de Kadhafi? Cela ne le troublait-il pas? Ne s’était-il jamais demandé quel était le sort réservé à ceux qui se déviaient un tant soit peu des canons imposés par le monstre de Tripoli?"

Ziegler quittera la face du monde ayant constaté, au crépuscule de son parcours, l’échec cuisant de tous les mirages fourvoyants qu’il a soutenus, propagés et justifiés.  Par Fabio Rafael Fiallo pour Israel-flash
Difficile, j’en conviens, d’entreprendre l’exercice quand on vit dans une Helvétie qui, tout à son honneur, a fait du libre débat d’idées l’un de ses traits distinctifs. Difficile, j’insiste.
Mais essayons-nous-y tout de même. Imaginons, pour être précis, ce que c’est que passer son enfance sous une dictature, faire partie d’une famille de dissidents, une famille poursuivie et surveillée jour et nuit. Imaginons aussi que, avant même d’arriver à l’adolescence, vous voyez des êtres chers emmenés dans des geôles immondes, et y rester des mois éternels, voire des années infinies, pour avoir commis le crime impardonnable de refuser de collaborer avec la tyrannie, pour s’opposer à la barbarie.
Et si, dans pareilles circonstances, vous appreniez qu’à l’étranger, dans des contrées où le jeu démocratique prévaut, quelqu’un dit se battre pour la justice, se baladant sur tous les plateaux de télé pour impartir des leçons de morale et distribuer des blâmes, mais en même temps soutient bien des tyrannies, leur trouvant je ne sais quelle circonstance atténuante, je ne sais quelle vertu, si vous appreniez donc cela, je vous pose une question, cher lecteur: quel sentiment un personnage de cet acabit saurait-il vous inspirer?

«Progressistes», ou crapules? 
Pour ce qui est de l’auteur de cet article, c’est avec ces considérations à l’esprit, et par solidarité envers les dissidents des dictatures de tous bords, et envers leurs enfants, qu’il lui est impossible d’éprouver une quelconque admiration ou sympathie envers un citoyen Suisse au-dessus paraît-il de tout soupçon qui n’a jamais tari en éloges envers les pires crapules de ce monde, pour peu qu’elles aient reçu, de la part d’une certaine gauche, des labels de garantie tels que «progressiste», «tiers-mondiste» ou, honneur suprême, «anti-impérialiste».
Ainsi, bardés de ces étiquettes apparemment si prestigieuses qu’elles peuvent justifier tous les crimes d’Etat, les Mengistu,MugabeCastroKadhafiGbagbo, d’autres encore, trouvent tous, ou ont trouvé pendant longtemps, grâce aux yeux du personnage qui nous occupe. Raison suffisante pour avoir un œil critique, méprisant, indigné même, sur lui.
Comment en effet éprouver de l’admiration, ou de la sympathie, pour, lâchons le nom, un Jean Ziegler qui, malgré le fiasco absolu du régime castriste; malgré les 500’000 Cubains répertoriés par l’ONG Freedom House comme ayant connu le goulag et les chambres de tortures de l’île rouge; malgré le harcèlement subi par les «Dames en Blanc» chaque fois que ces femmes, connues par la couleur de leur tenue vestimentaire, sortent dans les rues de La Havane ou de province pour manifester leur soif de liberté; malgré les arrestations à répétition de dissidents qui se poursuivent ce temps-ci; malgré les morts pour grève de la faim en réaction à des emprisonnements insupportables; malgré les déclarations du propre Fidel Castro avouant à un journaliste américain – dans un spasme de franchise dû peut-être à la sénilité – que le socialisme ne marche pas même à Cuba; malgré le constat d’échec de son frère Raúl, obligé de reconnaître que l’économie cubaine se trouve au bord du précipice et laissant comprendre que l’on ne peut pas continuer à en imputer la cause au seul embargo américain; comment, malgré tout cela, éprouver de l’admiration et de la sympathie envers un Jean Ziegler qui, pas plus tard qu’en février de l’année passée, a qualifié d’«explosion de lumière» une révolution cubaine coupable de tant d’ignominie?
Ces odieux dissidents cubains…
Comment éprouver de l’admiration ou de la sympathie pour un Jean Ziegler qui, lors d’un séjour dans l’île rouge fin 2007 en tant que rapporteur spécial de l’Onu sur le droit à l’alimentation, et censé rendre compte de sa mission au Conseil des droits de l’homme de cette institution, refusa de recevoir un groupe de dissidents ayant demandé tout simplement, et rien de plus, à s’entretenir avec lui sur la situation des droits de l’homme à Cuba?
Or, Ziegler aurait-il, vraiment, outrepassé ses fonctions s’il avait daigné entendre les griefs des dissidents cubains, ce qui ne l’aurait point obligé à prendre un quelconque parti? Refus d’autant plus surprenant que le même Ziegler n’a montré, dans d’autres occasions, aucun scrupule à outrepasser son statut onusien. Ainsi, en 2005, à Genève, lors du passage d’une «Caravane pour la Palestine», il ne se limita pas à entendre des griefs, comme cela aurait été le cas s’il avait accepté un entretien avec des dissidents cubains; non, il alla bien plus loin, déversant ouvertement son fiel contre Israël en déclarant, entre autres, que Gaza était un «immense camp de concentration». Pour cela, il ne manifesta aucune retenue, ne respecta aucun devoir de réserve, ne fit preuve d’aucune impartialité.
Pour justifier ses propos diffamatoires, Ziegler ne trouvera rien de mieux que de dire que la phrase était d’un écrivain israélien. Or, depuis quand une accusation si grave, et si contestable, pourrait-elle être légitimée par le fait qu’un écrivain l’eût déjà formulée ?
Une flexibilité éthique certaine
Quoi qu’il en soit, une autre figure peu honorable viendrait plus tard tenir compagnie à Ziegler dans ce genre de propos. Il s’agit de Jean-Marie Le Pen, qui en mai 2010 qualifia Gaza, à l’instar de Jean Ziegler en 2005, de « camp de concentration à ciel ouvert ».
La retenue, Ziegler l’emploie plutôt pour ne pas parler des actes terroristes du Hamas, de l’usage, par cette organisation, des femmes, des enfants et des vieillards de Gaza comme boucliers humains pour lancer ses attaques terroristes contre Israël.

De même, Ziegler refusera (en 2006) de qualifier le Hezbollah d’organisation terroriste, préférant lui accorder l’appellation de mouvement de résistance nationale. (C’est sûrement au nom de la «résistance nationale», n’est-ce pas, que le Hezbollah a apporté un soutien indécent à la boucherie que mène le régime de Bachar al-Assad contre le peuple syrien.)
En fait, le qualificatif de terroriste, Ziegler préfère l’employer pour se référer, non pas à ceux qui s’en prennent à la population civile israélienne (Hamas, Hezbollah) ou syrienne (Bachar al-Assad) mais, tenez-vous bien, à ceux qui se sont battus en Côte d’Ivoire contre un ami de Ziegler, le très «tiers-mondiste» et donc libre de péché Laurent Gbagbo, qualifié par Ziegler de «seul homme d’Etat qui mérite ce nom dans la région» (mai 2011), en dépit du fait que lui, Gbagbo, aura fait verser le sang à son peuple en essayant de s’accrocher au pouvoir après sa défaite électorale.
Puis, il y a la flexibilité éthique de Ziegler, sa capacité à revoir ses prises de position dans un timing opportun. Prenez le cas de sa volte-face à l’égard de Mouammar Kadhafi, une volte-face qui intervient après une longue amitié sans le moindre écart, sans la moindre critique, sans la moindre lucidité.
«Si j’avais su…»
Nombreuses furent en effet les occasions où le Suisse immaculé exprima une sympathie et un soutien sans bornes en faveur du guide de la «République des masses». Puis, plus tard, trop tard, quand les jeux étaient déjà faits en Libye et Kadhafi était un cadavre politique, le même Ziegler n’eut aucune gêne à déclarer que, s’il avait su, il n’aurait jamais serré la main de Kadhafi.
Ziegler prétend donc qu’il ne savait pas que Kadhafi était un bourreau et un assassin… Mais où, sur quelle planète de l’aveuglement Jean Ziegler vivait-il mentalement pour ignorer une si patente réalité? N’avait-il pas appris par tous les organes de presse, et entendu dans tous les média, les liens incontestables entre l’attentat terroriste de Lockerbie, en 1989, et le régime criminel de son ami Kadhafi? Dans ses voyages à la «République des masses», ne s’était-il jamais rendu compte qu’il n’y avait qu’une seule opinion possible, celle de Kadhafi? Cela ne le troublait-il pas? Ne s’était-il jamais demandé quel était le sort réservé à ceux qui se déviaient un tant soit peu des canons imposés par le monstre de Tripoli?
Poursuivons. Un intellectuel ayant soutenu Pinochet aurait-il pu se tirer d’affaire en déclarant béatement, après coup, que s’il avait su, il n’aurait pas serré la main de l’ancien dictateur du Chili ? Il y a fort à parier que non, et tant mieux ! Pourquoi, alors, le deux poids, deux mesures ? Par quelles obscures connivences les regrets tardifs de Ziegler, au sujet de sa longue amitié avec Kadhafi, ont-ils pu passer comme une lettre à la poste, sans provoquer d’esclandre, dans la presse et les médias romands ?
Avec Cuba, Ziegler nous a joué une partition semblable à celle utilisée par lui à l’égard de Kadhafi : il n’y vit pas un seul enfant affamé, nous dit-il. Or, puisqu’il prétend maintenant avoir été leurré par ses liens avec Kadhafi, ne serait-il pas possible qu’il l’ait été, aussi, par son amitié avec Castro ?
Et même, à supposer que les services sociaux fonctionnent raisonnablement bien à Cuba, est-ce une raison pour négliger les flagrantes violations des droits de l’homme et l’absence de liberté dans cette vitrine délabrée du communisme en déshérence qu’est Cuba ? L’Allemagne de l’Est d’Erich Honecker n’exhibait-elle pas, elle aussi, des services sociaux soi-disant convenables, en plus d’un amas de médailles olympiques, ce qui n’empêcha pas ce régime de s’écrouler sous la pression populaire ?
Quand le régime castriste s’effondrera à son tour, balayé par les rafales de l’Histoire et le ras-le-bol du peuple, il sera trop tard, pour ceux qui ont tourné le dos à la souffrance cubaine, de verser des larmes de crocodile et exprimer des regrets de circonstance en proclamant sans rougir que s’ils avaient su, ils n’auraient pas serré les mains des frères Castro. La dissidence cubaine n’aura alors, à cette 25e heure après la chute du régime, que faire des regrets éventuels d’un Ziegler; comme n’a eu non plus que faire de ses regrets apathiques la rébellion libyenne. Pour faire amende honorable de certaines louanges et amitiés complices, il y a des délais à respecter. Et celui de Ziegler face aux Cubains a déjà dépassé la date de péremption.
Des révoltes d’un nouveau type voient aujourd’hui la lumière du jour en Afrique et au Moyen-Orient, comme ce fut naguère le cas en Europe de l’Est, comme à coup sûr cela le sera demain à Cuba. Et ce que véhiculent toutes ces révoltes se situe aux antipodes des entêtements idéologiques de Ziegler. Pas de monopartisme à la Mengistu ou à la Castro, mais des élections libres avec des programmes concurrents. Pas de république des masses à la Kadhafi, mais respect des droits de l’homme et de l’individu. Pas de terrorisme style Hamas et Hezbollah, mais contestation civile par twitter interposé. Pas de tiers-mondisme criminel comme celui des partis baasistes de Saddam Hussein et du clan al-Assad, mais des valeurs universelles, valables en tout lieu.
Ziegler quittera la face du monde ayant constaté, au crépuscule de son parcours, l’échec cuisant de tous les mirages fourvoyants qu’il a soutenus, propagés et justifiés. Le tiers-mondisme, l’Homme nouveau du Che Guevara, la haine de l’Occident, ce dans quoi Ziegler aura investi ses indiscutables talents médiatiques, se trouve aujourd’hui frappé de banqueroute morale dans l’inébranlable bourse de la quête de Liberté.

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